L'ombre s'évapore 
Et déjà l'aurore 
De ses rayons dore 
Les toits alentours 
Les lampes pâlissent, 
Les maisons blanchissent 
Les marchés s'emplissent : 
On a vu le jour. 
 
De la Villette 
Dans sa charrette, 
Suzon brouette 
Ses fleurs sur le quai, 
Et de Vincennes, 
Gros-Pierre amène 
Ses fruits que traîne 
Un âne efflanqué. 
 
Déjà l'épicière, 
Déjà l'écaillère, 
Déjà la fruitière 
Sautent à bas du lit. 
L'ouvrier travaille, 
L'écrivain rimaille, 
Le fainéant baille, 
Et le savant lit. 
 
J'entends Javotte, 
Portant sa hotte, 
Crier : Carottes, 
Panais et choux-fleurs ! 
Perçant et grêle, 
Son cri se mêle 
A la voix frêle 
Du noir ramoneur. 
L'huissier carillonne, 
Attend, jure, sonne, 
Ressonne, et la bonne, 
Qui l'entend trop bien, 
Maudissant le traître, 
Du lit de son maître 
Prompte à disparaître, 
Regagne le sien. 
 
Gentille, accorte 
Devant ma porte 
Perrette apporte 
Son lait encor chaud ; 
Et la portière, 
Sous la gouttière, 
Pend la volière 
De Dame Margot. 
 
Le joueur avide, 
La mine livide, 
et la bourse vide, 
Rentre en fulminant ; 
Et sur son passage, 
L'ivrogne, plus sage, 
Rêvant son breuvage, 
Ronfle en fredonnant. 
 
Tout, chez Hortense, 
Est en cadence ; 
On chante, on danse, 
Joue, et cætera… 
Et sur la pierre 
Un pauvre hère, 
La nuit entière, 
Souffrit et pleura. 
 
Le malade sonne, 
Afin qu'on lui donne 
La drogue qu'ordonne 
Son vieux médecin ; 
Tandis que sa belle, 
Que l'amour appelle, 
Au plaisir fidèle, 
Feint d'aller au bain. 
 
Quand vers Cythère, 
La solitaire, 
Avec mystère, 
Dirige ses pas, 
La diligence 
Part pour Mayence, 
Bordeaux, Florence, 
Ou les Pays-Bas. 
 
 
Dans chaque rue, 
Plus parcourue, 
La foule accrue 
Grossit tout à coup : 
Grands, valetailles, 
Vieillards, marmailles, 
Bourgeois, canailles, 
Abondent partout. 
 
Ah ! quelle cohue ! 
Ma tête est fendue, 
Moulue et rompue, 
Où donc me cacher ! 
Jamais mon oreille 
N'eut frayeur pareille… 
Tout Paris s'éveille… 
Allons nous coucher. 
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C'est la chanson "Tableau de Paris à cinq heures du matin", écrite en 1802, par Marc-Antoine Désaugiers et chantée par Francis Lemarque, Renée Jean ou Catherine Maisse qui a inspiré Jacques Lanzmann pour écrire la chanson "Il est cinq heures Paris s'éveille" de Jacques Dutronc.
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